SILHOUETTE (histoire du costume)

SILHOUETTE (histoire du costume)
SILHOUETTE (histoire du costume)

SILHOUETTE, histoire du costume

Le corps humain est l’élément principal de toute mode, celle-ci s’accommodant tant bien que mal de cet impératif. Épaules larges ou tombantes, poitrine épanouie ou écrasée, taille étranglée ou effacée, ventre plat ou glorieux, la mode suscite des formes paradoxales souvent éloignées de la nature. Chaque changement est prétexte à la recherche du Beau idéal, chaque époque développe sa propre conception esthétique qui fait paraître laide la précédente. Ce changement constant dans les formes a étonné et il a provoqué les réflexions des moralistes, mais il a toujours échappé aux tentatives d’explications rationnelles. Cette recherche des lois régissant les différents mouvements de mode a néanmoins permis de dégager quelques archétypes. Le costume est long ou court, drapé ou cousu, ample ou près du corps. Jusqu’au XIXe siècle, son usage s’étend à plusieurs générations. Il traverse les siècles sans variations fondamentales jusqu’à l’apparition de la mode qui surgit en Occident avec la Renaissance. Le costume devient sexué: la silhouette masculine se différencie alors de la silhouette féminine. Dorénavant, le costume masculin, court et ajusté, dégage les jambes tandis que le costume féminin reste long, et cela jusqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale. Dans le même temps, les costumes nationaux gagnent peu à peu leurs caractéristiques.

Les classes sociales sont plus marquées que jamais, le luxe atteignant à l’ostentation. Alors que le costume drapé de l’Antiquité dessinait une silhouette tubulaire toujours mobile et vivante, la fantaisie et la personnalisation s’exprimant dans l’arrangement et la disposition des drapés, le costume au XVIe siècle nécessite l’intervention du tailleur, la coupe ne supportant aucune négligence. De sa qualité dépend le tombé du vêtement. Les formes tendent à accentuer la majesté de celui qui les porte en élargissant les proportions, la carrure et les hanches tant pour les hommes que pour les femmes. Les rembourrages se font proéminents mais le costume est pour son possesseur un carcan qui empêche tout mouvement spontané. À la souplesse du vêtement ancien s’oppose la raideur nouvelle obtenue grâce à des armatures internes qui compriment et gouvernent le corps (corsets, baleines). Tout costume prend appui sur les épaules ou la taille, toute modification de ces points d’appui entraîne une modification inéluctable de la silhouette. La jupe reste une constante du costume féminin occidental, et c’est elle qui permet le plus grand nombre de variations. Le corsage, plus contraignant du fait de la faible quantité d’étoffe qu’il nécessite, rejette les modifications éventuelles sur les garnitures ou les détails secondaires, alors que les révolutions touchent aux lignes mêmes qui construisent la silhouette: largeur d’épaules, hauteur de la poitrine. Les balancements subtils de la mode sont nombreux, mais les véritables bouleversements, les «révolutions de la mode», sont fort rares.

L’anthropologue américain Alfred Louis Kroeber (1876-1960) a montré que le costume féminin avait subi du XVIIe au XXe siècle une évolution selon trois types fondamentaux: la corolle, la tournure et le fourreau, avec différentes combinaisons possibles. De véritables cycles gouvernent en effet la silhouette. Au XVIIIe siècle, Mme de Genlis déplorait déjà: «Les femmes, de tout temps, se sont appliquées à ressembler à une sonnette ou à un parapluie.» Ces courants influent sur la longueur et l’ampleur du vêtement, la finesse et la place de la taille, la profondeur du décolleté, le volume de la coiffure. Kroeber a pu de cette façon enregistrer les courbes de la silhouette, les hésitations des formes féminines (ventre et poitrine plus particulièrement) qui semblent vouées à des modifications plus contraignantes car elles influent sur l’esthétique réelle de la ligne. La corolle est la forme de la jupe la plus usitée dans l’histoire. Les Crétoises du Minoen récent (XVIe-XIIIe s. av. J.-C.) la portaient avant l’adoption des drapés du costume grec. Elle réapparaît à partir de la fin du XVe siècle, et avec des fortunes diverses et des variations notables, reste dominante jusqu’à nos jours. Courte, elle fait scandale avec le new-look lancé par Christian Dior en 1947. Longue, son volume varie. De modeste au XVe siècle, elle enfle considérablement au XVIe siècle grâce au vertugadin , d’origine espagnole, retrouve une dimension raisonnable lorsqu’elle n’est soutenue que par des jupons superposés et empesés (au XVIIIe s. et sous la Restauration) et perd toute mesure avec le panier (2e moitié du XVIIIe s.) et la crinoline (Second Empire). Par un mouvement de balancier, après avoir atteint son envergure maximale, elle reporte l’ampleur des étoffes à l’arrière pour former la tournure . C’est le cas à la fin des XVIIe et XVIIIe siècles, et après le triomphe de la crinoline, de 1870 à 1890. Pendant ces trois siècles, le corsage reste étroitement corseté, seuls le volume des manches et le décolletage évoluent. Avec la tournure, les manches sont assez étroites et plutôt collantes. Avec la corolle, elles peuvent atteindre des dimensions considérables, en particulier au XVIe et au XIXe siècle (les manches gigot de la mode romantique et de la fin du XIXe s.). Le fourreau semble l’évolution ultime de la forme de la jupe, après la phase de la tournure. Toute ampleur est alors supprimée (au Directoire) et l’excès inverse est atteint lorsque la jupe est volontairement entravée (Paul Poiret, 1912, «la petite jupe droite» à partir de 1950). Les coiffures ont tendance à suivre le même mouvement. Le volume augmente avec celui des jupes. Gonflées et crêpées aux XVIe, XVIIIe et XXe siècles, avec la mode néo-classique du retour à l’antique à la fin du XVIIIe siècle, la tête est petite et bouclée; après 1918, la femme accomplit la «révolution» de la jupe courte et des cheveux coupés.

La silhouette masculine subit ces mêmes tendances, et seule la sexualisation croissante du costume conduit à la différenciation radicale des XIXe et XXe siècles. Mais la révolution androgyne de la fin des années 1960, qui touche toute une classe d’âge (adolescents et jeunes adultes), s’exprime par le port du blue-jean et des cheveux longs et tend à l’uniformisation des silhouettes d’une même génération, uniformisation que l’on retrouve au cours des années 1980 dans la coupe des cheveux, longs ou très courts, et dans la carrure élargie.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Histoire du costume — L étude des origines et évolutions du costume fait surgir de multiples approches et interprétations. On considère généralement qu il existe deux phases dans son histoire : la première correspond à la période dite du costume impersonnel, des… …   Wikipédia en Français

  • CORSET (histoire du costume) — CORSET, histoire du costume Depuis la Renaissance, le costume féminin n’a acquis les formes caractéristiques de ses différentes phases stylistiques que grâce à des infrastructures invisibles placées sous le vêtement, qui modèlent la silhouette.… …   Encyclopédie Universelle

  • CRINOLINE (histoire du costume) — CRINOLINE, histoire du costume La spécificité du costume occidental réside dans l’évolution et la transformation continuelle de la silhouette, tant masculine que féminine. Bien que la tendance générale soit toujours à l’allongement de la… …   Encyclopédie Universelle

  • Costume Au XVIIe Siècle — L expression costume au XVIIe siècle désigne un tournant de l histoire du costume : progressivement, un nombre croissant de personnes commencent à s habiller d une manière qui change assez rapidement, indépendamment des nécessités… …   Wikipédia en Français

  • Costume au XVIIe siecle — Costume au XVIIe siècle L expression costume au XVIIe siècle désigne un tournant de l histoire du costume : progressivement, un nombre croissant de personnes commencent à s habiller d une manière qui change assez rapidement, indépendamment… …   Wikipédia en Français

  • Costume au xviie siècle — L expression costume au XVIIe siècle désigne un tournant de l histoire du costume : progressivement, un nombre croissant de personnes commencent à s habiller d une manière qui change assez rapidement, indépendamment des nécessités… …   Wikipédia en Français

  • Costume Au XVIIIe Siècle — Coiffures et chaussures de l époque Cet article présente la costume au XVIIIe siècle. Sommaire 1 Contexte 2 …   Wikipédia en Français

  • Costume au XVIIIe siecle — Costume au XVIIIe siècle Coiffures et chaussures de l époque Cet article présente la costume au XVIIIe siècle. Sommaire 1 Contexte 2 …   Wikipédia en Français

  • Costume au xviiie siècle — Coiffures et chaussures de l époque Cet article présente la costume au XVIIIe siècle. Sommaire 1 Contexte 2 …   Wikipédia en Français

  • Histoire De La Mode En France — Cet article présente l histoire de la mode en France. le zazou : veste à carreaux tombante, attitude dégingandée, parapluie fermé qu il pleuve ou qu il vente Comme l indiquent les mots « costume » et « habit », la mode a… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”